I. Introduction
Le contexte sanitaire pandémique oblige à limiter au maximum le déplacement et le regroupement des populations, notamment au travail. Cela incite donc des millions de personnes à modifier leurs habitudes de travail et à favoriser le télétravail.
Quelques chiffres sont déjà disponibles à partir des sondages réalisés par ADP Canada en Août 2020 :
- 59% des Québécois aiment et préfèrent le télétravail au présentiel.
- 17% des Québécois ont retrouvé leur lieu de travail.
- 14% des Québécois veulent retourner sur leur lieu de travail.
Ces chiffres montrent que la population adhère au télétravail et l’allongement de ladurée de la pandémie mène à généraliser cette pratique, et sur le long terme. Ce changement d’habitude de travail n’est en revanche pas anodine et demande son lot d’adaptations. Certaines entreprises ont anticipé la tendance et ont donné la possibilité au personnel de reproduire le même niveau de confort et d’ergonomie de travail qu’il avait au bureau, soit en investissant du matériel adapté ou en déplaçant celui utilisé au bureau.
Tout le monde n’a pas cette chance et les moins chanceux ont dû s’adapter en urgence, essayant de concilier bien-être et économies. De la chaise de bar de la cuisine au bureau ergonomique ajustable en hauteur, chacun s’est organisé. Seulement, ces différentes conditions de travail n’ont pas les mêmes effets sur votrecorps et votre esprit.
Dans cet article, nous aborderons uniquement l’impact physique du télétravail maisil est important de garder un contact social pendant cette période où l’on peut se sentir isolé en télétravaillant. Si vous en ressentez le besoin, n’hésitez pas à solliciter l’aide d’un psychologue ou d’un autre professionnel de la santé mentale.
Lorsque les conditions de télétravail ne sont pas corrects, cela peut rapidement mener à l’apparition de différents symptômes. On peut en citer quelques uns :
- Maux de dos. Principalement au niveau lombaire, cervico-dorsal et cervical.
- Maux de tête
- Douleurs tendineuses
- Constipation
Ces symptômes nous permettent d’identifier que le télétravail, et de manière plus générale, la position assise prolongée, favorise le dysfonctionnement des systèmes musculo-squelettique, crânien et digestif.
Pour comprendre comment cette nouvelle pratique du travail à la maison mal adapté peut mener à l’apparition de ces symptômes, expliquons rapidement leur mécanisme physio-pathologique.
II. Symptômes et causes
1. DOULEURS LOMBAIRES, DORSALES ET CERVICALES.
Le télétravail favorise fortement la position assise prolongée sur des longues périodes (en dehors d’utilisation de bureau permettant le travail debout). Mais pourquoi votre ostéopathe ou votre physiothérapeute vous dit que cette position, lorsqu’elle est maintenue sur une longue durée, est source de douleur ?
Lorsque l’on reste longtemps assis, le tonus musculaire de nos muscles posturaux diminue et notre posture se modifie :
-> Le bassin part en rétroversion. C’est-à-dire que le bas du dos s’affaisse vers l’arrière et le bas, tandis que le pubis remonte vers le haut et l’avant.
-> Le haut du dos s’arrondit et la tête se penche vers l’avant.
Visuellement, la colonne vertébrale forme un seul arc arrondi du bassin aux épaules. Cela provoque une inversion de courbure au niveau lombaire et parfois aussi au niveau cervical. La conséquence sera une augmentation de la pression exercée sur l’avant des disques intervertébraux et un sur-étirement de leur partie postérieure ainsi que de la capsule des articulations vertébrales postérieures. Celase traduira par une souffrance et une fragilité dans le bas du dos, entre les omoplates et au cou.
Source : quebec.huffingtonpost.ca
Toujours sur le plan musculo-squelettique, la position assise prolongée provoquera un autre dysfonctionnement moins connu si elle est pratiquée pendant plusieurs semaines, mois voire années : l’amnésie des fessiers.
L’appui prolongé des muscles fessiers contre l’assise de la chaise va venir inhiber leur tonus musculaire. De plus, n’étant pas plus sollicitées, les connections nerveuses n’activent plus ces fibres musculaires. Les fessiers s’affaiblissent donc jusqu’à devenir amnésiques.
Le corps va donc mettre en place un système de compensation et recruter des muscles possédant la même fonction (Ressinka, Judit (2016) Getting Back to ExerciseWithout Pain: The Lower Back Part I).
Prenons l’exemple du muscle grand fessier, muscle le plus puissant du corps, responsable de l’extension de hanche, nous permettant de nous relever d’une position assise et de se redresser notamment. L’amnésie progressive de ce muscle obligera le corps à solliciter les muscles ischio-jambiers et érecteurs du rachis. Malheureusement, ces derniers n’ont ni la même force, ni la même endurance, ils sont plus faibles. Cette compensation non viable mènera à des douleurs lombaires, des risques de blessures et une baisse des performances sportives.
Heureusement , cette amnésie des fessiers n’est pas irréversible. Nous verrons les solutions dans une seconde partie de cette article.
2. MAUX DE TÊTE OU CÉPHALÉES
Tout d’abord, il faut différencier les différents maux de tête. Il y a deux grandes classes :
- Les céphalées primaires
- Les céphalées secondaires (secondaires à une pathologie ou à une médication)
Ensuite les céphalées primaires les plus répandues sont les migraines et les céphalées de tension. 40% de la population ont déjà eu des céphalées de tension, c’est la céphalée commune. Son nom provient de sa cause, la tension musculaire des muscles situés à la base crâne et au niveau des cervicales. Elles se manifestent par une douleur en barre à l’arrière de la tête pouvant descendre le long des cervicales et vers les omoplates. On peut sentir une pression douloureuse, la douleur est légère à modérée, ne s’aggrave pas à l’effort et peut durer de 30 minutes à plusieurs jours. La localisation, l’intensité, l’absence d’aura et de sensibilité à la lumière/bruit/odeurs la différencie de la migraine.
Ces céphalées de tension sont donc provoquées par des tensions musculaires des muscles occipitaux et cervicaux. Ils sont aussi favorisés par des dysfonctionnement de l’articulation temporaux-mandibulaire (bruxisme, mâcher de la gomme, etc) et des tensions au niveau des membranes intra-crâniennes (appelées Membranes deTension Réciproque, MTR) résultant de chocs physiques (chutes, accident de la route, etc) ou émotionnels.
La position assise et plus particulièrement la flexion cervicale prolongée augmente la tension de ces muscles sous-occipitaux, élévateurs de la scapula, trapèzes, splénius, etc. (douleurchronique.com)
3. TROUBLE DU TRANSIT
Le dernier symptôme peut paraître plus étonnant et oublié. Pour fonctionner correctement, un organe a besoin d’être suffisamment nourri, correctement commandé, d’évacuer ses déchets et d’une bonne mobilité.
Dans notre cas, le problème viendra d’un trouble dans le mouvement du diaphragme. Ce muscle est le muscle respiratoire principal. Il descend quand on inspire et remonte quand on expire. Cela permet d’aspirer l’air afin d’en extraire l’oxygène, réguler les pressions opposées entre le thorax et l’abdomen et favoriser le péristaltisme (mouvement du tube digestif nécessaire à la progression du bol alimentaire).
En position assise, l’espace abdominal est diminué, le diaphragme se retrouve bloqué en position haute. L’inspiration devient plus difficile, l’estomac se verticalise provoquant des lourdeurs après les repas pouvant évoluées vers des crampes d’estomac. Cette position haute du diaphragme favorise aussi la descente du colon transverse et donc une fermeture des angles coliques droit et gauche entraînant un ralentissement des masses fécales, provoquant constipation et ballonnements (lombalgie.fr).
III. Solutions
Tout d’abord, il existe quelques conseils faciles à mettre en place permettant de télétravailler sans risques :
1. LA POSTURE
• Évitez de vous asseoir sur vos pieds ou de croiser les jambes trop longtemps.
• Vos avant-bras et vos poignets doivent être posés. Cela peut être sur un support pour les poignets, l’accoudoir de votre siège pour vos avant-bras ou simplement la surface du bureau. Si vos avant-bras et vos poignets sont retenus par vos muscles, ces derniers vont vite fatiguer et des douleurs vont apparaître au niveau des épaules et remonter vers le cou. Des douleurs tendineuses liées à l’apparition d’unetendinite au coude ou au poignet peuvent aussi se manifester.
• Si vous n’avez pas de chaise équipée d’un renfort au niveau lombaire, il serait judicieux de placer un petit coussin (pas très épais) ou un linge enroulé au niveau du creux lombaire. Cela permettra de conserver la courbure naturelle des lombaires et éviter l’augmentation de la pression sur l’avant des disques intervertébraux.
2. FAITES DES PAUSES Bougez, étirez vous ! À la question, quelle est la meilleure position pour rester des heures devant mon bureau, la réponse est : AUCUNE. Le corps humain à besoin d’être en mouvement. Toute position prolongée sera néfaste pour votre corps à moyen et long terme. Prenez régulièrement des pauses, faites le tour de chez vous pendant 10-15 minutes pour aller chercher une boisson chaude, remplir son verre d’eau, respirer de l’air frais. Votre corps vous en sera reconnaissant !
3. DÉDIEZ UN ESPACE DE TRAVAIL.
Ce conseil n’est pas applicable pour tout le monde, mais il faut essayer de séparer vie professionnelle et personnelle. Alors même si vous ne pouvez pas dédier une pièce entière au télétravail, peut être qu’un bout du salon agencé selon vos goûts et confortable fera l’affaire.
4. GARDER UNE ACTIVITÉ PHYSIQUE.
Le télétravail favorise la sédentarité, qui provoque une diminution de la masse musculaire, augmentation du tissu adipeux, diminution de la capacité cardio-vasculaire, etc… Il est important, même en période de pandémie, de garder une activité physique. Même si vous n’avez plus accès à votre gym, prenez le temps d’aller marcher au moins 30 minutes par jour. Cela peut bien-sûr être remplacé parune balade en raquettes ou en patins l'hiver !
5. PASSEZ UNE BONNE NUIT DE SOMMEIL
Un sommeil réparateur est essentiel pour diminuer le stress, le risque d’obésité, de maladie cardio-vasculaire, renforcer le système immunitaire, etc. Il est recommandé de dormir minimum 8h par nuit (Hirshkowitz, National Sleep Foundation’s sleep time duration recommendations: methodology and results summary,
Sleep Health,2015)
Source : inspq.ca ; https://www.canada.ca/content/dam/hc-sc/migration/hc-sc/ewh-semt/alt_formats/pdf/occup-travail/empl/_news/eap-news-pae-nouvelle-20-02-fra.pdf
6. L’OSTÉOPATHIE.
Si les douleurs sont déjà présentes où si vous pensez qu’un bilan est nécessaire, le traitement ostéopathique peut être bénéfique.
Qu’est ce que l’ostéopathie ?
« L’ostéopathie est une approche manuelle dont l’objectif est de rétablir la fonctionnalité des structures et des systèmes du corps humain afin d’optimiser sa capacité d’autorégulation. Cette pratique est basée sur des connaissances approfondies des sciences de la santé et des interactions propres à l’équilibre de l’organisme.
Grâce à une palpation fine et précise, une évaluation complète et globale permet d’investiguer la cause des dysfonctions neuro-musculo-squelettiques, viscérales et crâniennes. Chaque traitement ostéopathique est spécifique et individualisé. » Source : osteopathiequebec.ca
L’explication concrète pourrait consister reprendre chaque symptôme et définir comment l’ostéopathie intervient sur chacun d’entre eux. Mais cela ne collerait pas aux principes fondateurs de cette thérapie. En effet, l’ostéopathie vise à rétablir la bonne fonction des systèmes et leurs inter-relations. Il serait donc absurde de vouloir séparer chaque trouble d’un système et de décrire la technique manuelle correctrice associée.
La pratique de l’ostéopathie se base sur des connaissances en anatomie, physiologie et biomécanique notamment. Notre corps est construit de manière à ce que tous les systèmes musculo-squelettique, viscéral et crânien soient inter-reliés. Par exemple, vos organes digestifs, urinaires et gynécologiques, sont étroitement liés à votre colonne vertébrale par des ligaments et des nerfs. Des tensions de ces organes (diarrhée, constipation, règles douloureuses) favorisent des tensions au niveau de la colonne, et inversement.
Source image : Atlas d’anatomie humaine, Frank H. Netter, 2018. C’est pour cela qu’il est nécessaire de ne pas seulement prendre en charge la douleur mais la globalité de la personne afin d’établir quel(s) élément(s) en tension est(sont) responsable(s) du dysfonctionnement des différents systèmes et donc des douleurs. Le travail de l’ostéopathe sera ensuite de corriger ces déséquilibres tensionnels par des techniques manuelles visant à diminuer voire supprimer les symptômes. Il est donc important de faire un bilan régulier chez votre ostéopathe. Dans l’idéal, en dehors de toute douleur, nous conseillons de faire une consultation tout les 6 mois afin d’anticiper les différents déséquilibres tensionnels et d’éviter l’apparition de douleur. Lorsqu’une douleur apparaît, évitez d’attendre trop longtemps avant de consulter car la chronicisation de la douleur crée des compensations qui peuvent devenir elles-mêmes douloureuses. Que ce soit pour une douleur musculo-articulaire, un trouble du transit ou des maux de tête, l’ostéopathie peut vous aider à diminuer ces symptômes. Alexandre Mathurin, Ostéopathe D.O., Avril 2021. - Franke, H., Franke, JD. & Fryer, G. Osteopathic manipulative treatment for nonspecific low back pain: a systematic review and meta-analysis. BMC Musculoskelet Disord 15, 286 (2014) - A Comparison of Selected Osteopathic Treatment and Relaxation for Tension‐Type Headaches Rosemary E. Anderson BSc.PT, DO (MP) Caryn Seniscal RMT, DO (MP) - The effect of Osteopathic Treatment on Chronic Constipation – A Pilot Study, Rebecca Brugman, Kylie Fitzgerald, Gary Fryer
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